Un sac de couchage craque, un deuxième : deux belges pointent le bout de leur nez, rouge vif. Au-dehors tout est figé, menaçant de silence ; au-dedans un cœur bat la chamade, un diaphragme s’essouffle à tant pomper cet air froid. Deux mondes se côtoient, diamétralement opposés. Notre survie à nous dépend de notre capacité à nous mouvoir : ranger, petit-déjeuner, puis marcher. Tirer notre lot comme des forcenés, comme des bêtes. L'air expiré se fige, nuages blancs accrochés à nos narines. Il se mêle à notre barbe, à nos cheveux, à nos cils. Faire attention à ne pas fermer les yeux trop longtemps, les paupières y resteraient soudées dans une camisole de glace...
Quel bonheur d'être là, ici et maintenant !
" Euphorie des matins de bivouac. On est là, au-dessus de la forêt, on a survécu à la nuit, on a gagné un petit surcroît d'existence. "
( Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie )